Sarah Krespin, dans ses sculptures apparemment molles, fait écho aux incertitudes et aux craintes de notre époque. Ni figées, ni libres, mais comme prises dans des torsions convulsives, elles procèdent des trois règnes : minéral, végétal et animal. De sa formation à l’école Duperré, elle a gardé un tropisme pour le tissu, souple, froissé, mais rigidifié par le recours à une armature en fil de cuivre qui en fige la forme et en fait le monument mémoriel d’un geste unique, non reproductible, qui, même si elle voulait le répéter, ne produirait pas des résultats semblables. Elle s’est ainsi affranchie des normes qui prévalent dans l’enseignement de la bonne pratique du traitement du textile, avec ses tombés, ses plissés…, pour une approche qui recourt au froissé, au chiffonné et à la torsion, matérialisant une pulsion créatrice libérée des effets et des contraintes de la gravité…
Le hasard tient une grande place dans son travail. Au-delà d’une impulsion initiale, ses œuvres semblent laissées à leur propre évolution organique, que l’on imagine non maîtrisée, imprévisible, à laquelle le spectateur aimerait contribuer en brisant le tabou du noli me tangere muséal. Ses pièces portent en elles une notion de lente évolution génésique, d’une œuvre à l’autre, mais aussi de chacune d’elles dans ses monstrations successives. Certains y verront des fossiles de temps immémoriaux, d’autres d’improbables chrysalides d’où émergeront des êtres insoupçonnés, certains encore, plus prosaïquement, des serpillères étreintes pour en évacuer l’eau, d’autres, enfin, les reliques d’une activité humaine rendue indéchiffrable par les affronts du temps. Le spectateur reste définitivement indécis devant ces objets hybrides qu’il peine à identifier et auxquels il n’arrive pas à attribuer une fonction ni une raison d’être
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