Dans mon travail je m’intéresse à notre relation à l’incertitude et à l’impermanence. Je conçois des pièces ductiles, évolutives et indéterminées qui interrogent les normes de la pratique de la sculpture : la rigidité du matériau, la pérennité de l’œuvre et la prédétermination des formes.
Entre le végétal, le minéral et l’animal – comme des peaux ou des corps recroquevillés – les sculptures semblent lutter pour tenir dans l’espace. Tissée à la main, la matière est une hybridation de métal et de coton. Elle est à la fois souple et rigide, statique et malléable. Le métal permet de figer momentanément un mouvement organique dans l’espace. Dans chaque lieu la forme change, il n’en reste qu’une trace photographique. Les sculptures sont à échelle humaine, elles peuvent s’ériger ou se suspendre mais sont toujours à la limite de s’écrouler. Au moment de l’installation tout mon corps est engagé, la forme sculpturale émerge par un jeu de torsions et de replis aléatoires. Ce temps nécessite une attention aux réactions du matériau, hasard et intuition se mêlent.
L’impermanence, l’instabilité, l’indétermination sont des sources d’angoisse dans nos vies contemporaines. Les crises actuelles nous mettent face à la fragilité de nos existences, à notre impuissance et à une difficulté à penser l’avenir. Mes sculptures sont le reflet de ces sentiments en même temps qu’une manière d’y résister. En interrogeant l’idée de la finalité de l’œuvre, je choisis de placer l’incertitude au centre de ma pratique, elle devient un outil de création. Plutôt que d’envisager un achèvement, j’explore la multiplicité des possibilités : dans chaque espace la forme est rejouée, remise en doute. Ce processus implique une pleine présence à l’instant, à la matière, à l’espace et au geste.
Sarah Krespin
04/12/2025